Éclatée, excentrique, kaléidoscopique? L’œil de Julie Robert ne voit pas la même chose que nous.

Une ligne, pour elle, est une proposition : le chemin le plus délié pour encercler la couleur et la lumière.

Julie Robert peint depuis 30 ans. Après une technique en graphisme au cégep Ahuntsic, elle complète un baccalauréat en design à l’université Concordia. Ces années d’étude lui font approfondir le dessin, les couleurs, les rapports de formes. Son travail de graphiste et l’enseignement en infographie lui ont également fait toucher tous les domaines de l’illustration.

Julie Robert nous propose un voyage au gré de formes éclatées, touffues, spiralées et généreuses. Voyage intérieur dans une Amérique qu’on croit voir et qu’on croit connaître. Voyage au centre de formes héritées, de formes côtoyées : lézards, poissons caraïbéens, oies des neiges, berceuses, vases, courtepointes, fleurs de lis et fleurs des jungles.

«Joyeux chaos», titre d’une toile de Julie Robert, pourrait être le sous-titre de l’exposition. Un chaos qui nous incite à renouveler notre regard en l’échauffant et en le dilatant jusqu’à l’éclatement. De notre quotidien trop lisse, trop normal, trop épuré, trop uni, sa peinture en fait une aventure explosive et joyeuse. Ses thèmes? La vie jaillissante, toujours nouvelle, en arborescence et en incandescence, qui ne cesse de s’insinuer, de sinuer et de se recomposer. 

Ainsi, chacune des toiles est un écosystème, un habitat particulier qui permet à une vie insolite de s’épanouir : la vie animale qui rampe, qui vole, qui nage et la vie végétale qui bourgeonne et se projette. Insolite par son métissage : toute une faune et une flore qui s’inspirent des Caraïbes et du Québec se mélangent et se fécondent. Courbes, ronds et ovales se superposent, jasent et se répondent. Est-ce un bec dans ce pétale? Est-ce Cuba qu’on voit dans l’œil de ce poisson? Est-ce une courtepointe dans ces cases?  Un vase colonial? Le Québec dans ces berceuses? Mais rien n’est strictement réaliste : tout bouge, tout éclate. Les formes se disloquent, se déhanchent, se ramanchent, dansent avec les couleurs qui mêlent leur chaleur et leur reflet de blues.

Pour ce qui est de sa technique, l’artiste applique d’abord une couche de mortier de structure dans laquelle elle prend plaisir à graver le dessin de la toile naissante. Ce contact matériel est encore visible une fois le tableau terminé puisqu’il lui doit son relief. Ensuite, au gré de son inspiration, Julie Robert va y aller d’une couche d’un bleu nuit ou de noir sur laquelle elle redessinera avec des contrastes de couleurs chaudes et froides qu’elle affectionne, créant des plans dynamiques. La toile est ainsi deux fois dessinée : dans sa texture, grâce au mortier, puis dans ses couleurs.

On le constate, la ligne directrice de ces toiles, c’est la liberté de tons et d’émotions d’un kaléidoscope braqué sur une Amérique personnelle. Les toiles de nous font réaliser que nous habitons temporairement des fragments d’émotions et que nos climats intérieurs recomposent des lieux d’existence bien plus réels que ceux du dehors.